ELEA, ode aquatique ou prothèse fémorale.

Resume

Eléa est une jeune femme lumieuse, une étudiante en kinésithérapie, une piroguière, une amie mais aussi une amputée fémorale. 

ELEA est une prothèse fémorale à but médiatique conçue esthétiquement pour dialoguer avec le corps et l’esprit qui la porte. 

Ce projet doit questionner la trop faible intégration des personnes en situation de handicap, le manque de visibilité et l’absence d’intérêt esthétique apporté aux équipements médicaux.

Descriptif

Nous avons pratiquement tous déjà été confrontés au port d’un équipement médical. Avez-vous déjà porté des lunettes de vue ? Si oui, l’exemple vous parlera, sinon tentez de vous mettre en situation. Vous revenez d’un rendez-vous chez l’ophtalmologiste, vous avez besoin de lunettes pour une durée indéterminée. Vous vous rendez donc en boutique pour choisir vos futures lunettes. Maintenant imaginez qu’on vous propose un modèle unique, lourd et disgracieux. Ça ne vous ressemble pas. Vous ressentirez de la gêne, vous les porterez le moins possible. Dans une certaine mesure c’est ce sentiment que pourra ressentir une personne amputée lors de la création de sa prothèse. Un équipement fonctionnel et salvateur dans le retour à une autonomie mais visuellement impersonnel et froid. C’est une partie du corps temporaire, mise à distance par son esthétique. L’esthétique ne peut-elle pas participer à l’intégration et à l’appropriation de sa prothèse ?   ELEA est un geste de tendresse et de soutien pour une amie. C’est aussi devenue au fil des recherches et des témoignages un projet engagé et motivé par une envie d’évolution sur la compréhension et l’acceptation de l’autre.   ELEA est une prothèse fémorale esthétique à portée médiatique. La pièce doit répondre à un patient et devenir un médium de communication pour une campagne de sensibilisation. Cette campagne devra témoigner frontalement du handicap et remplacer la notion d’incapacité qui y est trop souvent rattachée par la notion de courage. L’intérêt est alors d’apporter de nouvelles icônes, représentations médiatiques pour questionner le peu de place qui est laissé aux personnes en situation de handicap dans nos sociétés. Elle devra dans un second temps pousser à s’interroger sur le rapport complexe entre un patient et sa prothèse et donc le rôle que l’esthétique pourrait avoir. Elle facilite le quotidien, redonne une autonomie mais pour autant elle est une partie temporaire du corps, elle cause des douleurs et de la gêne. Là où la fonction ne cesse d’être augmentée, l’esthétique a été délaissée.   Proposer une pièce à portée médicale implique une fiabilité évidente et des connaissances qui me faisaient défaut. Je me suis donc rapprochée de l’entreprise ProtUnix. Gérard FONTAINE, orthoprothésiste, m’a alors apportée des ressources techniques, matérielles et intellectuelles cruciales. Additionnées à l’apprentissage de la lecture d’un dossier médical, du choix des pièces composant une prothèse et de la pratique, Gérard m’a fourni l’articulation de la prothèse, pièce d’importance.  Cette pièce a  défini les limites d’usage.   Dans nos formations, nous avons l’habitude de travailler le laiton. Bien que de nombreux facteurs m’ont fait privilégier l’aluminium à celui-ci, c’est bien entendu sa légèreté qui l’a mis en avant. Marcher avec une prothèse oblige le patient à opérer des mouvements avec bien moins de muscles qu’à la normale. Eléa a dû muscler son corps afin de pouvoir assurer le passage du pas. L’effort étant alors bien plus énergivore, le poids d’une prothèse rentre obligatoirement en compte. L’aluminium a comme le laiton de nombreux alliages. Le panel d’aluminium disponible permet de choisir un matériau en cohérence avec les contraintes qui lui seront appliquées, ce qui offre une efficacité de mise en œuvre non négligeable. L’usinage ou la mise en forme sont alors facilités si le choix de l’outillage a été opéré dans une compréhension des comportements de la matière et de la couche d’alumine. Ajoutons à cela son faible coût en comparaison des laitons, il semble qu’une arrivée plus conséquente de l’aluminium dans nos cursus est une option envisageable.   La légèreté, la résistance au choc ou déformation et l’usinabilité de l’aluminium en font un matériau couramment utilisé avec l’inox dans le milieu de la prothèse. L’aluminium est alors traité de manière industrielle pour réaliser des pièces détachées en série qui seront ensuite ajustées aux mesures et besoins du patient. La majorité de ses pièces sont obtenues par fonte, tournage ou emboutissage. J’ai donc décidé d’utiliser principalement ces trois techniques mais avec la vision et les gestes d’un artisan puisque ce sont trois des axes majeurs de la monture en bronze: la fonderie, le tournage d’art et la dinanderie. A cela, précisons que j’ai souhaité privilégier les assemblages mécaniques aux soudures aluminium. L’essor de l’aluminium dans le monde industriel et son coût inférieur aux laitons ne témoigne-t-il pas du potentiel de ce matériau dans nos ateliers ? Le geste de l’artisan ne pourrait-il pas renouveler ou augmenter notre vision de l’aluminium ?
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